La chapelle du Juvénat


La chapelle de l’Institution Notre-Dame, une institution communément appelée Juvénat, fait partie d’un ensemble architectural de style contemporain construit en 1962 par les Frères de l’Instruction chrétienne (Frères de Ploërmel, ou encore Frères de Lamennais) pour être un « Juvénat », l’équivalent d’un petit séminaire pour le clergé diocésain.

Depuis 1993, le Juvénat fonctionne, comme « Maison d’accueil » pour divers groupes, tout en abritant un certain nombre de frères aînés. Le nom de Penfeunteun, parfois employé, est le lieu-dit qui justifie la diversité des appellations : Institution Notre-Dame, Juvénat de Penfeunteun.

LA CHAPELLE

La chapelle de 160 places a été réalisée sur les plans d’Yves Michel, architecte très actif après la seconde guerre mondiale, à qui on doit, entre autres, les églises de Guipavas et de Saint-Louis de Brest.

Le plan d’une grande simplicité, forme un long rectangle en béton armé tourné vers l’Ouest, le côté du soleil couchant, à l’inverse de la tradition qui « oriente » les édifices du culte chrétien, le soleil levant symbolisant la Résurrection du Christ, vers qui regardent les fidèles en prière. C’est sans doute l’implantation des deux grandes ailes du bâtiment ouvertes vers l’Est, qui est à l’origine de « l’occidentation » de notre chapelle.

Le galbe de la toiture, désormais recouverte d’une charpente, voulu tel par l’architecte évoque la coiffe lorientaise, donnant au plafond intérieur nervuré sa modulation en courbe légère générée selon un paraboloïde hyperbolique

Les vitraux de Maurice Rocher, un hymne à la lumière

La chapelle du Juvénat prend place parmi les monuments religieux qui respirent une précieuse atmosphère, heureux effet de vitraux soigneusement pensés. Les grandes baies distribuées sur trois côtés de l’édifice sont en vérité ce « filtre dans les eaux de la lumière de Dieu » comme le définit, dans « L’Annonce faite à Marie » de Paul Claudel, l’architecte lépreux Pierre de Craon. Glorieux soleils d’été, ciels voilés d’hiver, clartés du matin, lueurs du crépuscule, il n’est pas d’instant où la lumière du firmament, investissant la haute nef du sanctuaire, ne passe de la franche clarté des grands jours aux subtilités ondoyantes des variations atmosphériques.

La signature de Maurice Rocher, l’artiste maître d’œuvre de ce bel hymne à la lumière se lit, apposée au bas du premier panneau précisant que la réalisation est due à l’atelier Deguisseau d’Orléans.

Le parti adopté par l’artiste dans la tonalité des verres se révèle judicieux. Les fonds sont composés d’ocres délicats, de roses indiens poudrés, de violines, de parmes et de mauves adoucis, d’oranges lavés, de gris perles ou platinés, de bistres verts et de pastels. Des nuances aux tons modérés sur des pièces de verre cendrées ou fumées, qui loin d’être monotones, se modulent au gré du grand défilé des nuages sur l’azur que l’on devine au travers des fenêtres. Serait-ce la raison de l’absence des bleus qu’a évitée la palette de l’artiste ?

Sur ces fonds délicats, les découpes des pièces de verre dans les baies hautes de la nef privilégient les formes angulaires : triangles, rectangles et losanges, ceux-ci plus ou moins fuselés, sagement alignés. Les découpes en courbes sont réservées aux baies en hauteur qui éclairent le chœur.

Si on s’attarde dans le chœur, à compter les panneaux que séparent les barlotières, ces larges lames de métal qui les maintiennent, on pourra se livrer aux délices quelque peu fascinants mais évidemment aventureux de la symbolique des nombres. Il y a, en effet, soixante-douze panneaux dans les ouvertures latérales du chœur. Une belle occasion pour le symboliste d’évoquer les « soixante-douze » têtes de bétail réservés à Yahvé, sur le butin pris lors de la guerre des Hébreux conduite par Moïse contre les Madianites (Nombres, 31, 38). Le même chiffre de soixante-douze peut encore évoquer, sautant de l’Ancien au Nouveau Testament le passage de l’évangile de saint Luc qui montre le Seigneur Jésus envoyant « soixante-douze », hommes deux par deux, dans toute ville et localité où il irait lui-même se rendre (Luc 10, 1).

Si dans cet ensemble de soixante-douze panneaux on isole les dix-huit qui divisent les baies du mur occidental on aura le choix entre deux épisodes en consultant de nouveau saint Luc. Le nombre de ceux qui furent tués lors de la chute de la tour de Siloé à Jérusalem s’élevait à dix-huit personnes (Luc 13, 4). La femme que Jésus avait, pris en pitié dans la synagogue un jour de sabbat, se tenait courbée depuis dix-huit ans, (Luc, 13, 11).

Quoiqu’il en soit de cette amusante numérologie, sur soixante-douze et dix-huit, on constate que les formes géométriques des pièces de verre colorées qui émaillaient les baies hautes de la nef s’adoucissent dans le chœur, en contours curvilignes d’une variation étonnante. Seule concession à l’économie du travail, l’inversion du dessin des pièces quand on passe de la longue et étroite ouverture qui est à droite du grand crucifix, à celle de gauche. Ainsi s’égrènent par panneaux, sur un fond légèrement plus soutenu que dans la nef, mais de même tonalité, une construction non figurative, mais point abstraite avec sur un fond adouci, de loin en loin une tache verte, une ou deux taches rouges, autant de noires, de deux à quatre jaunes, de trois à quatre blanches…